SCHWALLER DE LUBICZ

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René SCHWALLER de LUBICZ

Lorsque nous consultons l'ouvrage de celle qui devait devenir sa seconde épouse et écrivit sous le pseudonyme d'sha. Dans «Aor - sa vie - son oeuvre publiée aux Editions La Colombe en 1963 », on apprend que René Adolphe Schwaller est né à Asnières le 7 décembre 1887 et mourut à Grasse en 1961. Sur sa jeunesse en Alsace, nous ne savons rien, sinon que son père était pharmacien chimiste alsacien d’origine Suisse, et que sa mère, Marie Bernard était française.

Il grandit à Strasbourg où à sept ans il ébaucha une théorie sur l'existence de Dieu et où il s'interrogea sur l'origine de la matière à quatorze. Il maîtrisa aussi très rapidement l'allemand ce qui lui permit de lire des ouvrages d'alchimie ou d'auteurs rosicruciens des XVII et XVIIIe siècles en langue originale.

 En 1910, il devient l'élève du peintre Matisse ainsi que de Henri Bergson, et fait la connaissance de Marthe qui s'occupait de l'atelier. Ils se marient et ils ont un fils : Guy.

Matisse avait des idées très précises sur l'art, la création, la vie. A vingt trois ans Schwaller menait un vie d'artiste un peu bohème est c'est dans cette période qu'il rencontra des Edmond Bailly, Mallarmé, Debussy, Satié, la cantatrice Emma Calvée (liée à l'abbé Saunière et l'affaire de Rennes le Château), des poètes symbolistes et beaucoup d'autres personnages dans le milieu artistique, ainsi que le peintre alchimiste Jean Julien Champagne.

 Il divorcera, pour épouser en 1927 Jeanne Germain, veuve de l’armateur Georges Lamy, mère de quatre enfants, qui sera surtout connu sous son nomen mysticum: lsha.

2-1.jpgJeanne Germain dit: ISHA

En 1913, à 26 ans, René Schwaller est admis au sein de la Société Théosophique, section française; il y tient la librairie. Il y rencontre plusieurs personnalités du monde occulte dont le philosophe hermétique et libraire Pierre Dujols, Jean Julien Champagne, le peintre alchimiste ami des de Lesseps et instructeur d'Eugène Canseliet, ainsi que tout un groupe de Caen dont Louis Alain guillaume qui dirigeait une société de charbons où était employé René Schwaller et qui devint son mécène. Egalement, un grand inconnu du public, l'ingénieur chimiste et adepte Henri Coton-Alvart à qui Schwaller doit tout son enseignement sur l'alchimie. C'est dans le cercle intérieur très fermé de la Théosophie que René Schwaller reçoit toutes ses initiations.

Très impliqué dans la scène occulte Parisienne au début des années 1900, au temps exact où l'alchimiste Fulcanelli devenait une légende, Schwaller de Lubicz avait lui aussi revendiqué cette qualité. Il semble même que l'idée qu’il aurait pu être Fulcanelli a été répandue comme une rumeur. Les styles d'écriture et la focalisation démontrent que ce n'est pas le cas. Schwaller de Lubicz prétendait que le livre de Fulcanelli, « le Mystère des Cathédrales », était basé sur sa propre idée que les cathédrales Gothiques codaient le symbolisme alchimique. Il prétendait en outre, qu'il rencontrait souvent Fulcanelli pour discuter de la transmutation de la matière. Il prétendait même que Fulcanelli lui aurait volé son travail. Schwaller raconte qu'un jour, Fulcanelli lui aurait parlé d'un manuscrit qu'il avait volé dans une librairie de Paris. Fulcanelli y aurait découvert un morceau étrange d'écriture : un manuscrit de six pages écrit à l’encre sympathique, décrivant l'importance de la couleur dans le processus alchimique. Mais, selon Schwaller, Fulcanelli qui était un matérialiste, n’a pas saisi la vraie nature de la couleur. Il l’aurait donc éclairé sur ce sujet où, d’après ses dires, il excellait.  Schwaller prétend même, qu'après beaucoup de travail, ils exécutèrent un opus couronné de succès, impliquant les secrets du "verre de couleur alchimique." Suite à cela, Fulcanelli serait retourné à Paris malgré les conseils de Schwaller. Il essaya d'exécuter à nouveau leur travail mais ne réussit pas. Schwaller prétendit que Fulcanelli aurait omis d’ajouter des ingrédients essentiels connus seulement de Schwaller. En ignorant les avertissements de Schwaller, Fulcanelli persista dans l'exécution de son travail à Paris. Mais sa mort étrange par la gangrène, la veille du jour où il devait en révéler le secret à ses étudiants, a mis fin à son opus.

Schwaller était un darwiniste occulte. Il croyait que la substance de l'Univers était sans esprit, que la conscience arrive seulement via l'évolution de la matière - que l'homme "crée" Dieu seulement après qu'il se soit suffisamment développé pour examiner les larges "principes", ou "neters" de la nature et utiliser ces principes pour "accélérer" la "spiritualisation" de sa chair.

L'énergie causale devient minérale, le minéral devient la plante, la plante devient animale, l'animal devient l'homme et l'homme devient l'Homme Cosmique, le saint, Bouddha, Jésus. Le minéral a ressenti la scission de la cause, la plante a ressenti le minéral, l'animal a ressenti la plante, l'homme a ressenti l'animal et l'Homme Cosmique aura ressenti l'humanité. La souffrance vitale est la conscience ressentant le processus du surpassement de lui-même. […]

L'homme est la transition, le moyen terme réalisé qui se re-dissout dans l'Idée. Il aura mangé, c'est-à-dire retourné à sa source, tout ce que l'Univers connaît, du minéral à l'animal. […]

L'Anthropocosmos serait donc une réalité, une fondation indiscutable. L'Univers n'est ni une "imagination", ni une "volonté", mais une « projection » de conscience humaine. […]

 Il possédait la Doctrine Secrète, l'ouvrage majeur de la fondatrice de la société théosophique, Hélena Blavatsky, en trois langues. Il parlait avec beaucoup de reconnaissance de la société théosophique, mais il la quitta au bout de trois années, car il lui semblait qu'il avait à parcourir un autre chemin.

René Schwaller écrit seize articles dans la revue "Le Théosophe" dont le premier numéro paraît le 15 décembre 1909.   

Schwaller avait beaucoup lu et, semble t’il, connu bien des aventures, selon Lionel Hauser, cousin d’Henri Bergson, qui dans sa jeunesse, avait été un opulent banquier. A cette époque, très sensible aux mystères du monde, il avait été attiré par la Kabbale et en recherchant des livres sur ce thème avant la première guerre mondiale, il avait été mis en rapport avec Schwaller qui se disait alors réfugié alsacien qui connaissait fort bien la bibliographie relative à ce sujet. D’autre part, beau parleur, Schwaller était arrivé à convaincre Lionel Hauser que, s’il en avait les moyens, ses recherches sur la pierre philosophale aboutiraient très probablement.

C’est ainsi que Schwaller reçut une première pension alimentaire, à cette époque versée en franc-or, et travailla dans le laboratoire installé au cœur des locaux désaffectés de la banque Hauser, rue des Petits Champs. Un point est certain : Schwaller semble avoir donné d’excellents conseils à Hauser pour la constitution de sa bibliothèque kabbaliste, fort précieuse. Elle fut vendue à Londres, peu avant la Seconde Guerre Mondiale.

A la suite d’un désaccord survenu entre les deux hommes (les assiduités repoussées auprès de l’épouse de son bienfaiteur), Hauser se sépara de Schwaller qui en guise d’adieu, lui lança ces mots incisifs : « Vous, vous êtes étouffé par le mental ! ».

 Lorsqu'en 1914 à Paris, à la "Librairie de l'Art Indépendant", paraît son livre "Etude sur les Nombres", le chimiste René Schwaller, qui a 27 ans, est mobilisé, d'abord comme brancardier, puis dans un laboratoire de l'armée où il doit effectuer des analyses chimiques sur les denrées destinées au ravitaillement des troupes.

La première publication importante de Schwalle de Lubicz fut donc son étude sur les nombres et dans laquelle il veut, je cite : "dégager la vérité du chaos des phénomènes cosmiques pour trouver la loi fondamentale de l'univers, celle qui fixe les proportions de l'édifice, indique la place à chaque pierre et dicte le moment de la construction ou de la destruction". Il fut toujours passionné par cette connaissance du monde des causes, celle qui donne la réponse au pourquoi des êtres et des choses. Cette interrogation l'habita toute sa vie et elle est double : pourquoi le monde, d'où vient-il, en quel lieu trouve-t-il son fondement ? Et d'autre part il s'interroge sur le développement harmonieux des formes du vivant et se demande pourquoi une musique et non du bruit ?

La réponse à la première interrogation est l'unité, principe inexprimable, évidence première. La réponse à la seconde question est la "loi de la genèse" qui régit tous les phénomènes vitaux car tous se développent de façon semblable et s'enchaînent nécessairement à partir de l'unité insécable du principe premier.

 Pour Schwaller de Lubicz, l'existence de cette unique loi de genèse est fondamentale. Elle régit toutes les connaissances et fait se correspondre des domaines aussi différents en apparence que l'embryologie, la sociologie, la linguistique, l'architecture, etc. Il confia à quelques personnes à Suhalia l'origine de cette connaissance qu'il possédait. Elle était née lentement en lui, elle fut mûrie, une connaissance née d'une révélation qui fut ni une extase, ni un moment de grâce mais un accouchement. Une fois l'enfant né, il faut apprendre à la connaître, en étudier chaque aspect et c'est un long apprentissage. Mais cette connaissance n'est pas un savoir exprimable en mot et en théories. Dès le départ, il sait, il connaît, de l'intérieur. Il a la vision du monde des causes et ne fait qu'appliquer cette "vision" aux différents domaines de la connaissance.

C'est grâce à cette lumière que Schwaller décryptera les textes hermétiques ou bien les symboles de l'ancienne civilisation égyptienne ou encore les lois de la nature. Pour René Schwaller l'expression de l'ésotérisme occidental est la continuation du grand oeuvre qui s'est joué dans l'Egypte ancienne. La sagesse égyptienne donne les vraies clés de la genèse des formes de la nature. Et c'est elle aussi qui lui livra les clés de l'intelligence du coeur.

C'est à cette époque qu'il commence à songer à créer des groupes qui auraient pour dessein de restructurer la société épuisée par la guerre. Dès 1917, un petit groupe sous la direction de Schwaller se réunissait à la Société Théosophique. On y relève les noms de Georges Lamy, de Louis Alain guillaume, le mécène de Schwaller, négociateur en charbon pour l'Angleterre.

Lionel Hauser retrouva par la suite les traces de son ex-protégé, fastueusement installé dans un grand appartement face au cimetière Montparnasse. Il avait créé une secte : ses riches adhérents y étaient reçus à la lumière de candélabres tenus par des laquais, avant d’assister à des rites initiatiques. On a même laissé courir le bruit que certains héritiers de vieilles dames conquises par la nouvelle religion auraient porté plainte. C’est à cette époque que Schwaller fit la connaissance du diplomate et poète balte Milos von Lubicz. Celui-ci,  était un aristocrate lithuanien qui descendait d'une famille noble de chevaliers qui régnait sur la Lusace serbe. Il s’était alors retiré de sa Lettonie natale en raison d’un lupus de la face. Poète, comme on le sait, et mystique, meurtri par sa maladie, il écouta favorablement les théories de Schwaller. Il avait fait ses études à Paris et ses maîtres à penser furent Goethe, Hugo, Gérard de Nerval et les romantiques. Il avait écrit et publié. Lui aussi voulait rénover la société alors déchirée par la première guerre mondiale. Milosz a milité pour l'indépendance de la Lituanie, son pays natal. Schwaller l'a soutenu et après la guerre, pour lui rendre hommage, Milosz lui a transmit le nom de sa famille Lubicz.  

En 1917, paraît le journal "L'Affranchi" qui semble avoir été le remplaçant du journal "Le Théosophe". On y relève des articles d'Oscar de Lubicz-Milosz, qui jouera un rôle capital dans la vie de Schwaller et qui lui versa une rente de 300 Francs mensuels pour vivre décemment, rente indirectement versée par Alain guillaume son mécène. "LAffranchi" parut de 1917 à Mai 1919, en tout. 16 numéros. En septembre 1918, sort la revue baltique que René Schwaller avait fondée par amitié pour Milosz qui y travailla avec des collaborateurs lettons et estoniens jusqu' à ce que fut assurée l'indépendance des pays Baltes (d'après Rose Celli qui elle-même y travailla comme secrétaire, tout en étant gérante). En décembre 1918, René Schwaller fait cadeau de la revue à ses amis baltes. En 1919 le dernier numéro de "I'Affranchi" est publié et Relié. Puis cette année là, Schwaller quitte la Société Théosophique.

Le 23 février 1919 est inauguré officiellement le Centre Apostolique autour de Milosz, Schwaller et leurs amis. Des statuts sont publiés et l'on peut lire au bas de trois signatures : René Bruyez, président ; Henri Alvart, vice-président et Carlos Larronde, secrétaire. Les allocutions se succèdent, ou peut remarquer celle, alchimique, d'Henri Coton .

Le groupe se réunissait 5, rue Schoelcher à Paris dans le XlVème arrondissement, dans un appartement appartenant à Georges Lamy. Il y resta jusqu'en 1920.

Sous l'impulsion du Centre, la maison de Balzac fut louée et réparée par Alain guillaume, et ainsi sauvée. Une revue "l'Art" est publiée, d'août 1918 jusqu'en avril 1919 sous la direction de Carlos Larronde qui était devenu le conservateur de cette maison musée de Balzac et qui y organisa les activités culturelles du Centre Apostolique. C'est ainsi que fut organisé un vernissage des oeuvres du peintre Elmiro Celli qui habitait alors à Saint Rémy-les-Chevreuse et qui resta en contact intime avec Henri Coton-Alvart jusqu'en 1924. En 1919, le poète Milosz organisa une cérémonie où rituellement, dans l'esprit chevaleresque qui les animait mutuellement, il arma Schwaller Chevalier selon le rite lithuanien, lui conférant son titre et lui donnant sa bague. Il voulait par ce geste, instituer une noblesse des actes et des oeuvres, une noblesse du mérite ou de l'âme, à la place de la noblesse héréditaire qui était pour eux dénuée de sens.  C'est à partir de cette époque que René Schwaller prétendit qu’en vertu d’un pacte du sang, passé entre lui et le poète, il avait été autorisé à porter le nom de son protecteur et devint Schwaller de Lubicz.

Parallèlement le groupe décide de créer un cercle intérieur nommé les "Veilleurs", société initiatique, co-maçonnique (on voit ici se manifester l'influence des cercles internes de la Théosophie sur les membres du groupe) qui a pour objet la connaissance ésotérique et le messianisme et qui se proposait de vivre pour se dépasser. En effet, plusieurs des membres pensaient être désignés pour un apostolat. Cependant, il s’était détaché des théosophes pour former sa propre organisation occulte, spécifiquement pour porter ses idées ésotériques dans l’arène politique. Peut être ne serons nous pas surpris de découvrir qu’il a été décrit comme un « proto-fasciste ». Il revendiquait même d’avoir conçu l’uniforme pour les S.A.d’Hitler (chemises brumes). Bien qu’il ne soit pas certain que sa revendication soit vraie. Le groupe sera rejoint par des personnages aussi importants que Gaston Revel, Pierre Loti, Henri Duvernois, Fernand Léger, Vincent d'Indy, Henri Alvart, Camille Flammarion, le journaliste Carlos Larronde, et d'autres. Un des « Veilleurs » de Schwaller de Lubicz était Vivien Postel du Mas, l'homme qui a écrit le Pacte Synarchiste des années 1930. Par Vivien Postel du Mas, Schwaller de Lubicz avait une influence particulière sur l'adjoint d'Hitler, le torturé et le complexé Rudolf Hess. Schwaller de Lubicz était anti-sémite et raciste et, comme les Nazis, pensait que les femmes étaient inférieures aux hommes Par exemple, il enseignait que les femmes étaient intellectuellement incapables de comprendre l'Hermétisme. Tout cela est important, parce qu'il est impossible de séparer les croyances politiques et Synarchistes de Schwaller de Lubicz, et de son travail comme Égyptologue, ce travail que certains auteurs ont tant admirés.

Le groupe se développa autour de nombreuses activités notamment artisanales, culturelles et philosophiques. Les Veilleurs étaient opposés à la production industrielle et voulaient affirmer la noblesse du travail manuel et la nécessité d'une véritable hiérarchie, et ceci dans l'indépendance de tout parti. Ils avaient leurs propres ateliers, costumes, journal et voulaient repenser les structures sociales. La devise de leur journal était: Hiérarchie - Liberté - Fraternité. Mais l'ordre possédait aussi une aspect plus ésotérique, plus secret : les Frères de l'Ordre Mystique de la Résurrection, qui se réunissait en robe blanche, l'épée au côté, la tête couronnée d'or. Ils pratiquaient une sorte de culte du Feu et étaient au nombre de douze.

Louis Alain Guillaume achète un hôtel particulier à Boulogne qui devient le siège des Veilleurs. Un institut d'Eurythmie est créé, dirigé par Ishia. On voit déjà l'influence de Steiner sur René Schwaller, influence qui se fera sentir lorsque le groupe ira s'installer en 1924, à Saint Moritz (Suisse) pour y créer une station d'étude "Suhalia", calquée sur le "Gotheanum que Steiner avait fondé de son côté en Suisse, à Dornach. Schwaller y installera d'ailleurs un laboratoire d'homéopathie, une bibliothèque, une imprimerie et un théâtre.

Dans le cercle extérieur des "Veilleurs", on trouvait un curieux personnage, qui en son temps défrayait la chronique. L'artiste-peintre Jean Julien Champagne qui avait rencontré René Schwaller à Paris en 1913, à la "Closerie des Lilas", célèbre brasserie de Montparnasse. C'est là qu'il lui avait montré un manuscrit de Newton concernant l'alchimie. Il faut dire que Jean Julien Champagne s'intéressait à cette science depuis son adolescence et qu'il avait toujours eu un laboratoire. Comme Schwaller et son groupe des Veilleurs était entièrement tourné vers cette occupation, le contact s'établit malgré le peu de sympathie que Jean Julien Champagne inspirait à Aor.

A Nice, se retrouvent certains frères d'Elie, dans la demeure du Comte Prozor où sont organisées des réunions à thèmes philosophiques et hermétiques. Nous pouvons voir les Schwaller, les Celli, les Coton-Alvart, etc... A Paris, ils sont tous les invités de Nathalie Clifford-Barney, la richissime américaine, amie de Milosz, qui reçoit au 20 rue Jacob, dans un petit temple maçonnique "le temple de l'amitié" et des soirées se donnent aussi avenue Montaigne. C'était un petit monde, toujours les mêmes, qui fréquentait à la fois les sociétés Initiatiques et les salons littéraires et scientifiques.

Dans le sein des "Veilleurs" s'épanouissait la "Fraternité d'Elie composée de 12 "Frères" parmi lesquels : René Schwaller, Milosz, Henri Coron-Alvart, Elmiro Celli, Gaston Revel, Carlos Larronde, René Bruyez, Luis de la Rocha, Louis Alain Guillaume, Le Carpentier, etc...

Les Frères d'Elie furent donc liés à Jean Julien Champagne qui, lui, travaillait pour les de Lesseps et avait pris, en 1915, pour disciple le jeune Eugène Canseliet. A l'époque, tous se rendaient à la Librairie du Merveilleux, 35 rue de Rennes à Paris où ils pouvaient échanger fructueusement avec le libraire Pierre Dujols, érudit, alchimiste et descendant des Valois. C'était un ami intime de Jean Julien Champagne qui avait aussi une amitié très forte pour l'associé de Dujols, Thomas qui fut tué en1914 et qui était maçon.

Henri Coton-Alvart dira plus tard sa grande admiration pour Dujols qu'il considérait comme un maître en matière d'alchimie, et son mépris pour Jean Julien Champagne.

C'est donc autour du manuscrit de Newton que les liens se créèrent, que la réflexion sur l'hermétisme et l'alchimie progressa et que chacun poursuivit ses expériences au laboratoire.

René Schwaller avait étudié les cathédrales, surtout celle de Paris du point de vue du symbolisme alchimique. Il avait laissé quelques notes qu'il avait confiées à Jean Julien Champagne afin d'avoir son avis.

Mais en 1921, l'association des "Veilleurs" se termine, et René Schwaller prépare soit projet de centre en Suisse à Saint Moritz. C'est la femme d'Henri Coton Alvart qui, possédant un passeport suisse, obtint les autorisations nécessaires pour l'installation qui se fit courant 1922.

Les routes de Schwaller et de Milosz se séparèrent avec la dissolution du groupe au bout de trois ans. Le caractère idéaliste et hiérarchique du groupe avait déplu et provoqué une campagne diffamante. Les Frères se dispersèrent et toutes les activités culturelles furent abandonnées.

Tous les protagonistes de cette fabuleuse épopée ont disparu; le dernier fut Henri Coton-Alvart qui mena l'oeuvre à son terme et transmuta. Il s'éteint à près de cent ans et fut le fleuron de ce groupe.

Schwaller partit avec sa famille et quelques amis s'installer à Saint Moritz en Suisse ou fut fondée la station scientifique Suhalia, une petite communauté consacrée au travail artisanal, à la recherche scientifique et la quête spirituelle. Suhalia possédait observatoire, laboratoires et ateliers et connaîtra des disciples. Tout cela fait étrangement penser au Goetheanum de Steiner dont Schwaller rejetait l'enseignement avec une certaine virulence. C'est dans cette période que sa femme, Isha, rédigea quelques ouvrages. C'est aussi en Suisse que Schwaller-Aor et son ami Carlos Larronde réussirent à retrouver les procédés alchimiques pour obtenir les bleus et les rouges des vitraux de  Chartres, sans procédé chimique, grâce à l'essence volatile des métaux. Hans Arp et Miro vinrent aussi à l'atelier pour poursuivre leurs recherches.

Schwaller de Lubicz mit également au point un moteur poly-carburant qui fut utilisé par Berliet, un nouveau modèle d'hélice et une maquette de bateau entièrement construit au nombre d'or. D'après des marins qui l'ont essayé, il possédait des qualités telles qu'il aurait pu résister à n'importe quelle tempête. Toujours fidèle à sa démarche, Schwaller recherche d'abord les principes, les causes puis les applique à des domaines bien concrets.

Schwaller posa les bases d'une autre science qui ne se fonde plus sur l'expérimentation pour en tirer des théories, mais qui part, au contraire, de la connaissance de la loi d'harmonie. Cette loi d'harmonie est ce qu'il appelle la loi de genèse et elle se trouve au cœur de toute son oeuvre.

 Schwaller, selon la rumeur, réapparut ça et là en Afrique du Nord, puis disparut un jour en Engadine, lors d’une promenade à cheval.

Une chose est sûre, nous retrouvons la trace de René Schwaller de Lubicz Isha en Egypte, sur un yacht qui, disait-on encore, avait appartenu à sa compagne. Puis ils réapparurent à Louxor, toujours en Egypte, où ils s’étaient établis dès le début de la guerre 1939/1945. Ils avaient loué l’annexe du « Louxor Hôtel » pour y poursuivre leurs recherches. Ils étaient tous deux, naturellement, de ceux qui éprouvent passion pour la « Science mystérieuse des pharaons ». Bien sûr cette science empirique était matérialisée par certaines réalisations remontant à des milliers d’années ; bien sûr, les égyptiens avaient atteint un très haut degré d’évolution morale ; bien sûr dans le secret des Maisons de Vie, les savants ne vénéraient pas les animaux ; bien sûr, ils s’exprimaient par une symbolique qui obéissait à des lois très strictes et avec laquelle on ne peut jouer impunément. Mais c’était ce domaine que la nouvelle école « mystique » voulait agir et innover encore. Les démonstrations faussées, mais très spectaculaires, qu’ils « manipulaient », étaient, il faut l’avouer, fort attrayantes pour un public parfois mystique ne demandant qu’à croire au merveilleux.

Sans doute la crédibilité prêtée aux interprétations données par Schwaller aux monuments et aux faits religieux de l’Egypte seraient-elle restée mesurée, s’il n’avait reçu l’adhésion d’un ancien membre de l’I.F.A.O. (Institut Français d’Archéologie Orientale du Caire) fort intelligent, mais cultivant à l’extrême le paradoxe. Resté bloqué au Caire, depuis que la France était occupée, notre égyptologue avait violemment pris parti pour les vichystes les plus agressifs et ses différents avec le directeur de l’IFAO de l’époque, Charles Kuentz avaient contraint ce dernier à demander au gouvernement français provisoire d’Alger de le licencier de ses fonctions d’attaché à l’IFAO. Ainsi, les querelles entre gaullistes et vichystes avaient radicalement opposé les Français d’Egypte, lesquels au demeurant ne furent jamais en danger, à l’exception de la courte période de Bir-Hakeim, où l’on avait pu craindre la prise du Caire par les armées de Rommel.

N’acceptant pas de rester dans l’ombre il rencontra Schwaller, et lui apporta sa caution d’égyptologue.

Les hypothèses de Schwaller, que notre égyptologue nourrissait de ses connaissances, prenaient malheureusement une tournure emphatique autant qu’étrange, et les constatations archéologiques en arrivaient à nourrir des théories échevelées. Mais nos gourou faisaient école dans le cercle des pseudo-intellectuels de la capitale égyptienne, flattés d’avoir accès au cénacle des initiés… instruits des grands secrets de l’univers !

Tous les soirs, à 5 heures, l’annexe du Louxor Hôtel recevait la réunion des élus. Ils se reconnaissaient à l’anneau plat, ouvert, porté à la main gauche. Ces recherches occultes étaient paradoxalement accompagnées d’une très grande publicité dans les journaux de langue française du Caire, cherchant ainsi, manifestement, la polémique.

Lorsque l’affaire prit trop d’importance, l’Abbé Drioton, directeur général du Service des Antiquités de l’Egypte, se vit obligé de réfuter les énormités les plus criantes paraissant dans la presse, car elles continuaient à séduire nombre de crédules. Le bruit courut alors que Drioton niait le bien fondé de la « nouvelle école » égyptologique car, séide de Rome, il ne voulait pas reconnaître la science secrète des pharaons.

Lorsque les contacts furent rétablis avec l’Egypte, à la fin de la guerre, la « querelle des égyptologues », ainsi qu’une certaine presse la nommait, battait son plein. L’école de Louxor ne désarmait pas. Ses membres se rendaient même sur le quai de la gare de Louxor pour intercepter, dès leur descente du train, des personnalités françaises en voyage et les attirer dans leur cénacle.

André Gide, Jean Cocteau, des journalistes comme André Rousseau, habilement chapitrés par ces propagandistes, étaient séduits par les théories très attrayantes, entrevues sans pouvoir contrôler leur fond réel. Il est bien évident que, comparées à la plate description des monuments, coutumière à certains archéologues d’un positivisme sclérosant, les interprétations de « l’Ecole de Louxor » devenaient captivantes. Ainsi même, une certaine presse parisienne se fit un moment l’écho de la « querelle des égyptologues ». Cette campagne fut magistralement pulvérisée par un article retentissant, écrit dans « le Monde » sous la signature de ce grand savant qu’était Gustave Lefèbvre.

Schwaller de Lubicz laissera derrière lui un travail remarquable, notamment avec l'énorme ouvrage en trois tomes que constitue "le Temple de l'Homme" (12 ans d'études du Temple de Louxor) où il développe en détail, par des calculs complexes, l'idée d'une Égypte antique s'enracinant dans un mysticisme basé sur les nombres et la géométrie.

Pour Schwaller, la véritable connaissance est issue de l’intelligence du coeur; il considérait le fonctionnement du mental comme second, au même titre que la lune est seconde par rapport au soleil. Elle n'est qu'un reflet de sa lumière. De même, la pensée mentale ne devrait être qu'un reflet de l'intuition. Cette intelligence n'est pas à confondre avec le samadhi des grands mystiques. C'est un état intermédiaire qui permet de se confondre avec les êtres et les choses et donc de les connaître dans leur réalité.

L'Esotérisme pour Schwaller n'est pas un "sens particulièrement caché dans un texte" mais un "état de confondement" entre l'état vital du lecteur et l'état vital de l'auteur ; ceci dans le sens de la vision spirituelle de la pensée. Il conçoit donc que l'enseignement ésotérique n'est qu'une "évocation" et ne peut être que cela. L'initiation ne réside pas dans le texte, quel qu'il soit, mais dans la culture de "l'Intelligence du Coeur ".

Donc pour être certains de notre Connaissance comme nous sommes certains de notre Savoir, nous devons rechercher la preuve expérimentale démontrant que l'Esprit, l'abstrait, devient effectivement concret par un chemin déterminé.

Seul l'homme a en lui ce Don qui lui permet de se libérer des réactions émotives. Ce Don est la Raison qui fait, de l'animal, l'Homme. L'intelligence du coeur a son langage et ce langage est le symbolisme. Le symbole évoque une réalité qui n'est pas présente donc pas objective. Ce symbole est vie, il est mouvement de la conscience. Mais il est plus encore : il exprime un moment vital éternel. Il se relie à une idée, un archétype qui préside au développement des formes.

Le symbolisme livre le sens et pour Schwaller, tout est symbole. Ces symboles et leur sens, il les étudie dans l'univers égyptien et plus précisément dans le temple de Louxor pendant 12 années de sa vie. 12 années de recherche, d'analyse et de méditation.

René Schwaller y développa la notion d'anthropocosme qui signifie que la nature est le reflet de l'homme. Sa grande idée est que l'homme n'est pas seulement à la fin mais aussi à l'origine de l'évolution. Sa femme, Isha, a continué son oeuvre en développant l'idée d'un christianisme ésotérique et il est extrêmement riche de se tourner vers les ouvrages de l'un comme de l'autre (sachant que le "Temple de l'Homme" est d'une lecture ardue qui peut en décourager plus d'un).

Cet Ouvrage fut l'œuvre de sa vie,dans lequel Schwaller fait toutes sortes de revendications de "l'intelligence et de la pensée pharaonique", qu’il nous propose de considérer comme vraies simplement parce qu'il dit ainsi. Il essaye d'éblouir l'ignorant avec ses exploits mathématiques et exploits "symboliques" de bravoure cérébrale. Il nous informe obligeamment au début, pour le cas où nous ne saisirions pas, que si nous ne saisissons pas, cela va être notre faute parce que nous ne sommes pas assez brillants pour le saisir.

Il étudia le symbolisme des temples, et plus particulièrement celui du temple de Louxor, trouvant ce qu'il a considéré être la preuve que les Egyptiens antiques étaient les exemples suprêmes de la Synarchie, parce qu'ils étaient gouvernés par un groupe d'initiés d'élite. Cependant, il échoua à faire remarquer que la civilisation égyptienne était statique et limitée. Qui plus est, il ne  réussit jamais à produire un travail significatif bénéfique pour l'humanité, comme Otto Neugebauer l’a démontré. En fait, Neugebauer avait précisé que la civilisation égyptienne étaitune entrave pour le développement de l'humanité. Le style de vie Pharaonique était celui d'un petit groupe de l'"élite", servie et adorée par tous les autres - et que tous les autres étaient, essentiellement, consommables.

Dans « Le temple de l’Homme », Schwaller de Lubicz veut démontrer que le temple de Louxor expose la sagesse la plus profonde de l’Egypte. Aussi, la sortie de son chef d’œuvre fut saluée comme l’évènement de publication de la décennie. C’était une étude dense et exigeante des nombres, de l’harmonie et de la géométrie qui était censée servir de base métaphysique au soutien de la conception des temples antiques égyptiens.

Il est curieux que Schwaller de Lubicz soit devenu le « parrain » de l'Égyptologie alternative bien que peu aient lu ses travaux de première main. Ses idées nous viennent surtout par les livres de Graham Hancock, Robert Bauval et, bien sûr, John Anthony West, tous ayant exprimé leur admiration pour ce savant. Ils se réfèrent à lui comme à un philosophe, ou comme un mathématicien. Ce qui est intéressant pour nous, cependant, est que, bien que Schwaller de Lubicz fût toutes ces choses, ils ne l'appellent jamais un occultiste, ce qu'il était pourtant, pas plus qu’ils ne l'appellent jamais « Synarchiste » ce qu'il était également.

En conclusion, il convient de considérer l’œuvre de Schwaller de Lubicz comme étant le fruit de son imagination. Ses vérités sont les siennes et ne sont pas confirmées par les travaux des professionnels de l’égyptologie. Ses ouvrages ne doivent être considérés comme scientifiques et attestés, mais comme l’aboutissement d’une idée dont on veux coûte que coûte en prouver  l’existence.

Œuvres principales de l’auteur :

  • Du Symbole et de la Symbolique, Coll. Égypte, éd. Dervy ;
  • Le miracle égyptien, Coll. Champ, éd. Flammarion ;
  • Le roi de la théocratie Pharaonique, Coll. Champ, éd. Flammarion ;
  • Le Temple dans l'Homme, Coll. Égypte, éd. Dervy ;
  • Notes et Propos inédits, éd. La Table d'Emeraude ;
  • Propos sur Ésoterisme et Symbole, Coll. L'Être et L'Esprit, éd. Dervy ;
  • Étude sur les nombres, Éditions Axis Mundi ;
  • Verbe Nature, Éditions Axis Mundi ;
  • Lettres à un disciple, Diffusion traditionnelle.

 

Œuvres de Isha Schwaller de Lubicz :

- Her-Bak, Pois chiche, visage vivant de l'ancienne Égypte, Paris, Flammarion, 1955, dernière édition : Monaco, Éditions du Rocher, 1993.

Her-Bak, Disciple de la sagesse égyptienne, Paris, Flammarion, 1956, rééd. Paris, Flammarion, coll. Champs, 1989.

L'ouverture du chemin, Paris, 1957, dernière édition : la Table d'émeraude, 2004.

La Lumière du chemin, Paris, la Colombe, Éditions du Vieux colombier, 1960, dernière édition, Paris : la Table d'émeraude, 2003.

Contribution à l'égyptologie, Paris, J.-C. Bailly, 1989, rééd. la Table d'émeraude, 2006.

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